C’était il y a un an. J’en pleure encore. J’en tremble encore. Je n’ai pas fait de nuits complètes depuis le soir du 12 novembre 2015. Je n’étais pas fan de ce groupe. Je venais juste accompagnée de mon compagnon qui lui appréciait leur musique depuis un bon petit moment déjà. Le concert battait son plein à ce moment là. On était bien, heureux, et à mille lieux de penser à ce qui allait arriver.

Tout à coup, un bruit énorme, assourdissant et le groupe cesse de jouer. On pense à des pétards. Et puis, viennent les cris, les bousculades et les gens qui courent, qui s’affolent, qui essayent de s’enfuir. Je me retourne et je les vois. Je comprends que je vais sûrement mourir ce soir. Je comprends que les Charlie Hebdo ou autres, je suis en train de le vivre là. Ce soir, à ce concert des Eagles of Death Metal. Je comprends que je vis une attaque terroriste en réel.

Je me couche au sol, parmi les cadavres déjà perpétués par les tirs et j’attends, je fais la morte. Je ne sais pas où est Julien, il n’est plus à côté de moi. A quel moment il s’est enfui ? Je n’ai pas compris. Plus de bruits. J’entends quelques pleurs enfuis et le rechargement des armes des terroristes. Puis, ça recommence, ça crie, ça panique. Je reste allongée parmi les cadavres et je ne bouge plus. Je me dis que s’ils me croient morte parmi tous ces morts, ils ne tireront pas vers moi.

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Puis, on les a entendu monter l’escalier et là, je me suis retournée discrètement et n’étant pas dans leur champ de vision, je me suis enfin échappée… Dehors, la police, les pompiers, et les victimes déjà sortis sont là et attendent la fin… Je cherche Julien partout, je crie son nom mais je ne le vois pas. Je commence à penser qu’il ne s’est peut-être pas enfui et qu’il est toujours à l’intérieur. Je prie pour qu’il n’est pas essayé de fuir par l’étage où sont à présent montés les terroristes.

Dans ce qui me semble être une décennie plus tard, le cauchemar s’arrête. Les trois terroristes ont été abattus. Le temps est suspendu. Je ne sais toujours pas où est Julien. Mais je le sens. Il n’a pas survécu… J’ai cette confirmation le lendemain quand on me demande de l’identifier. Il a le visage serein. Le visage serein de quelqu’un qui est mort heureux. Je suis déchirée. C’était l’homme de ma vie, on avait des projets et tout est détruit.

C’était il y a un an aujourd’hui. Je ne peux pas rester seule. Je suis retournée vivre chez mes parents, je ne supporte plus le silence, je ne supporte plus trop de bruits, je ne supporte plus le noir. Je ne dors pas bien, j’ai toujours des flashs de cette nuit. Les cadavres écroulés sur le sol… me remontent sans cesse et sans cesse. J’ai besoin de calme, je ne peux pas prendre les transports en commun. J’ai démissionné et me suis lancée en free-lance pour travailler de chez moi.

Je ne vois plus beaucoup personne. Je ne vis plus, je survis c’est tout… On avait reçu une invitation pour aller voir Sting hier soir… Réouverture de Bataclan après un an… Au départ, il était hors de question que je retourne fouler le sol où était décédé Julien. Et puis en parlant à mes parents, en réfléchissant, j’ai finalement pensé que c’était un bel hommage pour Julien et pour tous les autres décédés ce soir là.

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Alors avec mes parents, nous y sommes finalement allés. A proximité de la salle de concert, j’ai senti une montée d’angoisse, je n’étais pas bien. J’ai appliqué les techniques de respiration que m’enseigne la psy que je vois depuis un an et j’ai réussi à me calmer. Puis nous sommes entrés et là les flashs à nouveau… C’est horrible, ça ne s’arrêtera donc jamais ?! Quand tout à coup, je sens quelqu’un me tapoter l’épaule…

Je me retourne et je vois un jeune homme. Je le reconnais immédiatement. Quand je me suis allongée au sol l’an dernier et que j’ai fait la morte, il était à côté de moi à faire la même chose. Nous avons fui au même moment et étions sortis ensemble sans se parler de cette barbarie. Il me sourit et me dit « Ça fait un an que je fais des appels sur les réseaux sociaux pour retrouver la fille qui portait un bandeau rouge dans les cheveux ce soir là… »

Nous écoutons le concert magnifique de Sting tous ensemble et je n’ai plus de flash. Martin, c’est son prénom, me prend la main et je me sens bien tout à coup, presque libérée… C’est lui, c’est avec lui que je vais pouvoir non pas oublier Julien, mais reconstruire quelque chose, je le sens… Alors quand nous sortons du Bataclan ce soir là, on s’échange nos numéros de téléphone en se promettant que cette fois, on ne se perdra pas de vue… On me réveillant en ce matin du 13 novembre, et pour la première fois depuis un an, je me sens sereine, libérée, en vie…

Ce texte est une pure fiction. Pour tous ceux qui ont perdu un proche ce soir là, à toutes les victimes, on n’oubliera jamais. On se recueillera chaque an, encore et encore, et on se battra, pour vivre et non plus survivre… 13 novembre 2015…

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16 Replies to “[Fiction] Quand la vie s’est arrêtée un 13 novembre . . . Et a recommencé un 13 novembre . . .”

  1. C’est dur et beau à la fois… un bel hommage à la fois à ceux qui sont morts dans cette tragédie et ceux qui ont survécu et qui tentent de redonner un semblant de cours « normal » à leur vie.

  2. C’est beau et bien écrit mais par respect pour les « vraies » victimes je mettrai l’édit avant le texte, pour prévenir de la fiction.

  3. Bonjour,

    J’avoue que je n’ai pas pu lire le texte en entier, et que je l’ai même lu en diagonale. Parce que ça m’a mise très mal à l’aise. Vraiment.
    J’avoue que je ne comprends pas en quoi c’est un hommage à ceux qui sont plus là et ceux qui sont encore là pour lire cet article.
    J’avoue que je trouve ça déroutant de lire une personne qui essaie de se mettre à la place des victimes, des décédés. Parce que je ne comprends pas ce que tu cherches à montrer.

    Contente que ton article ait plu pour la plupart de tes lectrices.
    Mais désolée, moi non.

    Vae Soli – victime du Bataclan

    1. Bonjour,
      Je suis désolée que ça ait pu t’offenser car ce n’était vraiment pas le but recherché.
      Moi ça fait longtemps que j’écris des histoires, dans mon blog, sur des cahiers etc etc..
      Celle-ci me trottait dans la tête depuis un moment, et il s’est avéré que j’ai réussi à la finir ce jour là. Car pas simple à écrire, pas simple de trouver les mots, ne voulant pas heurter etc etc.
      ça m’attriste donc que ça ait pu te choquer. Je ne cherche à rien montrer en fait, juste à partager mes écrits, noirs comme blancs.
      Je n’ai pas cherché à me mettre à la place de qui que ce soit (il est impossible de se mettre à la place de qq’un dans une situation que l’on n’a pas soi-même vécue), j’écris des histoires, comme je pourrais écrire sur une histoire d’amour, la mort fait aussi parti des histoires que l’on peut essayer vouloir mettre en mots.
      Mon article ne vaut rien d’autre qu’une petite fiction échappée de mon cerveau que j’ai voulu partager.
      Merci de m’avoir donné ton ressenti.

      1. Bonsoir,

        Une fiction est par définition  » une histoire fondée plus souvent sur des faits imaginaires que sur des faits réels. ». Là elle est basée sur des faits réels.

        Tu ne l’as pas imaginé, et d’autant plus que j’ai pu apercevoir (pour ce que j’ai lu en diagonale) des similitudes avec des témoignages que j’ai pu lire, voire entendre de mes propres oreilles.
        Donc oui, je suis très choquée par ton « histoire » parce qu’elle est réelle.

        Tu te rends pas compte de l’impact que cela peut avoir.
        Ce que toi tu décris, c’est ce que m’ont décrit des dizaines de victimes de vive voix, des personnes qui étaient proches de moi dans la fosse.
        Moi j’ai eu la chance de rester que quelques minutes. D’autres sont restés DES heures dans la fosse à côté des morts.

        Ce que tu ne peux pas savoir, c’est ce que nous affrontons encore aujourd’hui nos peurs, nos angoisses, nos tremblements, nos « flashs ». Chaque seconde est un combat. Un combat invisible aux yeux de tous, sauf aux yeux des autres victimes (Bataclan, Terrasses, Stade, Nice, Belgique, etc etc..)

        Oui j’ai la nausée en voyant ton article. « Désolée » pour toi. Tu ne peux pas savoir.

        1. Je sais très bien que je ne sais pas, et je n’ai lu, ni vu, ni écouté aucun témoignages, ça sort vraiment juste de mon « imagination ».
          Je ne prétends absolument pas détenir un « savoir » ou autre. Je ne connais pas ce que tu vis, ce que tu éprouves encore. C’est bien pour ça que j’ai précisé également que ceci était une fiction. Si tu y vois un manque de respect, je suis profondément navrée car ce n’était pas le but recherché, moi je souhaitais juste publier mon écrit.

        2. il y a aussi des « romans » d’auteurs sur le sujet, sur des sujets sensibles, des fictions de scènes de viol, de guerre, etc … moi je suis juste personne à mon niveau c’est vrai, je ne suis pas écrivain renommé, j’aime juste à partager mes écrits.
          Je te souhaite une bonne continuation

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